La course aux concours d’accès aux filières d’excellence au Maroc, tels que médecine, ingénierie ou architecture, s’intensifie chaque année. Un article publié le 25 juin 2025 par Nabila Bakkass, journaliste, soulève une question préoccupante : est-ce que cette préparation, devenue un véritable «business», fausse l’égalité des chances ? En effet, la réussite aux concours d’entrée ne repose plus uniquement sur le mérite académique, mais aussi sur la capacité financière des familles à investir dans des cours particuliers, stages intensifs et plateformes spécialisées. Le coût de ces préparations peut atteindre des sommes astronomiques, laissant de nombreux bacheliers issus de milieux modestes sur le carreau.
Pour illustrer cette réalité, M. Saïd, un père de famille, partage : « Nous avons dû puiser dans nos économies pour donner à notre fille la chance de réussir. Chaque dirham compte, mais nous voulons qu’elle ait les mêmes opportunités que les autres ». Cette dynamique crée une fracture éducative de plus en plus marquée. Alors que certains parents investissent massivement dans l’éducation de leurs enfants, d’autres peinent à joindre les deux bouts, ce qui soulève des questions sur l’équité du système éducatif. Pour approfondir cette problématique, consultez l’article complet ici : https://lematin.ma/societe/prepas-concours-post-bac-un-business-qui-fausse-legalite-des-chances/287704.
La pression financière sur les familles
Les familles marocaines, souvent déjà éprouvées par le coût de la vie, se retrouvent face à une pression financière croissante pour accompagner leurs enfants dans cette nouvelle étape cruciale de leur parcours scolaire. Par exemple, M. Saïd, père de famille, a dû débourser 6.000 dirhams pour financer les cours particuliers de sa fille, qui a obtenu une moyenne impressionnante de 18,12 au baccalauréat. «La concurrence est rude, alors on fait tout notre possible pour l’aider à se préparer comme les autres», confie-t-il. Malheureusement, pour de nombreuses familles, cette somme représente presque le salaire d’un mois, mettant en lumière une réalité amère : l’égalité des chances est compromise par des inégalités financières.
Cette pression financière ne touche pas seulement les familles modestes, mais s’étend également à celles de classe moyenne qui se voient contraintes de réévaluer leurs priorités budgétaires. Par exemple, Fatima, une mère de famille, explique : « Nous avons dû sacrifier notre budget vacances pour pouvoir payer les cours de soutien de notre fils. C’est un choix difficile, mais nous croyons fermement que cela en vaut la peine ». Cette situation met en exergue la manière dont l’éducation est perçue comme un investissement, mais aussi le dilemme moral auquel sont confrontés les parents.
De plus, la compétition entre étudiants s’est intensifiée, rendant la préparation privée presque incontournable pour espérer réussir dans les concours les plus sélectifs. Les parents sont souvent pris au piège entre le désir d’offrir le meilleur à leurs enfants et la réalité financière qui les contraint. Le professeur et spécialiste en sociologie de la communication, Hassan Baha, souligne : « Le système éducatif actuel favorise les familles qui peuvent investir dans l’éducation de leurs enfants, créant ainsi une hiérarchie d’accès aux opportunités ».
Les conséquences de cette pression financière sont alarmantes. Certains parents, dans un effort désespéré, envisagent de contracter des prêts ou de recourir à des crédits à la consommation pour financer ces préparations. « Il faut faire des choix impossibles, et parfois, on se met dans des situations financières difficiles juste pour donner un coup de pouce à nos enfants », témoigne M. Ahmed, un autre parent. Cette spirale d’endettement peut avoir des répercussions à long terme sur la stabilité financière des familles, tout en exacerbant les inégalités déjà présentes dans le système éducatif.
Ainsi, la quête de réussite académique au Maroc devient une course effrénée où l’argent joue un rôle déterminant, laissant de côté ceux qui ne peuvent pas se permettre de suivre le rythme. L’égalité des chances, qui devrait être un principe fondamental de l’éducation, est donc mise à mal par la nécessité de débourser des sommes considérables pour accéder à des opportunités de succès.
Un marché en pleine expansion
Le secteur des cours de préparation privés a explosé ces dernières années, avec des offres variées allant des cours particuliers aux stages intensifs en passant par des plateformes en ligne. Les tarifs varient considérablement selon le type de préparation et la spécialité choisie. Les cours particuliers, par exemple, peuvent coûter jusqu’à 333 dirhams de l’heure, tandis que les cours en groupe sont légèrement plus abordables, mais restent un investissement conséquent. Il n’est pas rare que le coût total d’un mois de préparation atteigne des sommes exorbitantes, rendant l’accès à ces services difficile pour les familles aux revenus modestes.
Les centres de préparation privés se multiplient, attirant des étudiants en quête de succès. À Casablanca, par exemple, des écoles de préparation proposent des programmes intensifs qui promettent de maximiser les chances d’admission dans les filières les plus prisées. Cependant, ce développement fulgurant du secteur soulève des questions sur la qualité de l’enseignement proposé. « Certains centres privilégient le profit au détriment de l’éducation réelle », avertit Dr. Samira El Amrani, enseignante et experte en pédagogie. Cette offre pléthorique peut donc masquer des dérives commerciales, où l’accent est mis sur les revenus plutôt que sur l’accompagnement éducatif des étudiants.
De plus, la demande pour ces services s’accroît en raison de la pression sociale et des attentes élevées des parents. Les familles investissent souvent dans ces préparations pour donner à leurs enfants un coup d’avance sur leurs camarades. Selon un sondage réalisé auprès de parents, 78 % d’entre eux estiment que les cours de préparation sont désormais indispensables pour réussir. Cela crée une dynamique où l’investissement financier est perçu comme un gage de succès. Le professeur Hassan Baha souligne que « cette quête d’excellence académique engendre une compétition malsaine, où seul l’argent semble déterminer les chances de réussite ».
La popularité croissante des plateformes en ligne a également changé la donne. Ces solutions numériques, bien que parfois plus accessibles, n’éliminent pas les disparités. Les abonnements mensuels peuvent dépasser 600 dirhams, ce qui reste prohibitif pour de nombreuses familles. De plus, l’efficacité de ces plateformes dépend souvent de la capacité des étudiants à s’auto-discipliner et à tirer parti des ressources disponibles, ce qui n’est pas toujours le cas. Ainsi, bien que l’offre se diversifie, les inégalités persistent et se renforcent, rendant la préparation aux concours post-bac un véritable marché où ceux qui ont les moyens financiers ont un avantage indéniable.
Les conséquences sur l’égalité des chances
La montée en puissance des cours de préparation privés soulève des questions cruciales sur l’égalité des chances dans le système éducatif marocain. Selon des témoignages, même un élève avec d’excellentes notes peut se retrouver désavantagé face à des concurrents mieux préparés et financés. « Même avec une bonne moyenne, un élève qui n’a pas la possibilité de s’offrir ces cours risque d’être éliminé », déclare Ali, un père de famille. Cette situation crée une forme de discrimination subtile, où le mérite et le travail acharné ne suffisent plus à garantir le succès.
Les effets de cette dynamique sont particulièrement prononcés dans les zones rurales ou moins favorisées, où l’accès aux ressources éducatives est limité. Dans ces régions, les élèves dépendent souvent uniquement de l’enseignement public, qui ne parvient pas toujours à les préparer efficacement aux exigences des concours. Comme l’affirme Fatima, une enseignante de lycée, « les élèves de milieux défavorisés n’ont pas les mêmes outils ni le même soutien que ceux de la ville. Cela les place dans une position désavantageuse dès le départ ». Cette inégalité d’accès aux ressources favorise une concurrence biaisée, où seuls les élèves issus de milieux plus aisés peuvent prendre le dessus.
La dépendance croissante des familles aux préparations privées révèle également une crise de confiance envers l’école publique. Beaucoup de parents estiment que le système éducatif ne parvient plus à répondre aux défis des concours d’entrée, d’où leur besoin d’investir dans des solutions payantes. Cette situation a des conséquences à long terme, car elle peut renforcer l’idée selon laquelle l’éducation publique n’est pas digne de confiance. Le professeur Hassan Baha souligne : « Lorsque les parents perdent confiance en l’école publique, cela crée une spirale négative. Les élèves qui n’ont pas accès aux cours privés sont laissés pour compte, ce qui entraîne des inégalités de plus en plus marquées ».
En outre, cette tendance à privilégier les cours de préparation privés peut engendrer un stress supplémentaire chez les élèves. La pression pour exceller dans un contexte où l’argent semble déterminer les chances de réussite peut être écrasante. Le jeune étudiant Omar témoigne : « Je me sens constamment sous pression. Mes amis prennent des cours particuliers, et j’ai peur que cela affecte mes chances, même si je travaille dur ». Les conséquences psychologiques de cette compétition inégale ne doivent pas être sous-estimées, car elles peuvent affecter non seulement la performance académique des élèves, mais aussi leur bien-être général.
En somme, la montée des cours de préparation privés ne fait qu’accentuer les inégalités existantes dans le système éducatif marocain, compromettant ainsi l’idée même d’égalité des chances pour tous les élèves, indépendamment de leur origine socio-économique.
Vers des solutions équitables
Pour rétablir l’équité dans le système éducatif, plusieurs pistes peuvent être envisagées. Hassan Baha propose d’encadrer le marché des cours privés pour garantir un minimum de qualité et de protéger les familles contre les dérives commerciales. Ce contrôle pourrait inclure des normes d’accréditation pour les centres de préparation, assurant ainsi que les élèves bénéficient d’un enseignement de qualité. De plus, il suggère de développer des plateformes en ligne gratuites et de créer des centres régionaux de préparation publique, afin de réduire les inégalités territoriales. Ces initiatives pourraient offrir aux élèves des ressources adaptées, peu importe leur lieu de résidence.
En outre, il est essentiel de renforcer l’école publique pour qu’elle puisse préparer efficacement les élèves aux concours. Cela pourrait passer par une révision des programmes scolaires afin d’inclure des modules adaptés aux compétences requises pour les concours, tels que la logique, la gestion du stress ou encore des techniques de résolution de problèmes. La formation des enseignants est également cruciale ; des professionnels bien formés peuvent mieux guider les élèves et leur fournir les outils nécessaires pour réussir. Comme l’affirme Dr. Leila Mouhajir, experte en éducation : « Investir dans la formation des enseignants est un investissement dans l’avenir des élèves. Cela leur permet d’être mieux préparés et de se sentir plus confiants face aux défis académiques ».
Pour aller plus loin, il serait judicieux de promouvoir des programmes de sensibilisation qui encouragent la diversité des parcours éducatifs. Cela inclurait la valorisation des filières techniques et professionnelles, souvent perçues comme moins prestigieuses, mais qui offrent également des opportunités de carrière prometteuses. En changeant la perception de ces voies, on pourrait réduire la pression sur les élèves pour qu’ils s’orientent uniquement vers les filières jugées « nobles », et permettre une éducation plus équilibrée.
Enfin, il est important de créer un environnement où les élèves peuvent s’engager activement dans leur propre parcours éducatif. Cela pourrait se traduire par la mise en place d’ateliers de gestion du stress, d’autonomie ou d’exploration des intérêts personnels. En renforçant les compétences personnelles des élèves, on leur donne les moyens de construire leur propre projet éducatif sans se sentir soumis à la pression extérieure.
Ainsi, en combinant des efforts pour encadrer le marché des préparations privées, améliorer l’école publique, valoriser la diversité des parcours et soutenir l’engagement des élèves, il sera possible de donner à chaque élève la chance de réussir, indépendamment de son statut socio-économique.