Le 22 mars 2025, un épisode de la Revue de presse internationale de France Culture a mis en lumière la réalité troublante de la réussite scolaire en Corée du Sud. Dans ce pays, la pression pour réussir commence dès le plus jeune âge, où 80 % des élèves suivent des cours privés dans des “hagwons”. Les familles investissent des sommes colossales dans l’éducation de leurs enfants, parfois jusqu’à un million de wons par mois, tout cela pour espérer intégrer une université prestigieuse. Marie-Orange Rivé, maîtresse de conférences en études coréennes à l’Université Paris Cité, souligne que cette quête de réussite entraîne une pression immense sur les jeunes. Elle déclare : « Les enfants sont souvent soumis à des attentes irréalistes, ce qui impacte leur développement émotionnel et psychologique ». Cette dynamique crée une spirale de stress qui peut conduire à des problèmes de santé mentale graves. Par ailleurs, l’éducateur et psychologue sud-coréen Kim Joon-sik insiste sur l’importance d’un équilibre entre vie académique et personnelle, affirmant que « la réussite ne devrait pas se mesurer uniquement par des notes, mais aussi par le bonheur et le bien-être des élèves ». Pour écouter l’intégralité de cet épisode, rendez-vous sur le lien suivant : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-revue-de-presse-internationale/la-revue-de-presse-internationale-emission-du-samedi-22-mars-2025-1272878.
Une éducation sous pression
En Corée du Sud, le système éducatif est marqué par une intense compétition. Selon Marie-Orange Rivé, “les journées des enfants sont longues”. Dès le matin, ils s’initient à l’alphabet et aux chiffres, puis participent à diverses activités avant d’être envoyés dans des instituts de soutien scolaire, appelés “hagwons”. Ce modèle éducatif, comparable à celui des sportifs de haut niveau, impose un rythme de vie très soutenu, souvent au détriment de leur temps libre et de leur épanouissement personnel. Les parents, souvent mères au foyer, s’investissent pleinement dans la préparation scolaire de leurs enfants, espérant ainsi optimiser leurs chances d’entrer dans les meilleures universités.
Cette pression précoce a des répercussions financières notables. Les familles dépensent en moyenne 270 euros par mois pour l’éducation privée de leurs enfants, une somme significative sur un salaire moyen d’environ 1 400 euros. Marie-Orange Rivé souligne que “cela représente une part importante des revenus, mais cela peut monter très haut”. En effet, certains parents vont jusqu’à débourser jusqu’à 700 euros par mois, un investissement colossal qui pèse lourdement sur les finances familiales. Cette situation met en évidence les sacrifices financiers que les familles sont prêtes à faire au nom de la réussite scolaire de leurs enfants.
Pour mieux illustrer cette dynamique, le sociologue Lee Sang-hyun, spécialiste de l’éducation en Corée, note que “les parents sont souvent pris dans un cercle vicieux où la réussite scolaire est perçue comme la seule voie vers un avenir prospère”. Ce sentiment d’urgence pousse les familles à rechercher des solutions coûteuses, contribuant ainsi à un endettement croissant au sein de la population. Les enfants, quant à eux, ressentent cette pression et sont souvent conduits à passer de longues heures à étudier, ce qui peut nuire à leur santé physique et mentale.
Les conséquences de cette pression éducative sont alarmantes. De nombreux jeunes souffrent de stress, d’anxiété et de dépression, des problèmes souvent sous-estimés dans une société qui valorise tant la réussite académique. Marie-Orange Rivé met en garde : “La quête de succès peut transformer l’éducation en un fardeau plutôt qu’en une opportunité d’apprentissage”. Au fil du temps, cette vision de l’éducation peut créer une génération de jeunes épuisés, désillusionnés et, dans certains cas, désespérés. Une telle situation appelle à une réflexion urgente sur la structure même du système éducatif sud-coréen et sur les valeurs qu’il véhicule.
Les conséquences sur la santé mentale
La pression liée à la réussite scolaire en Corée du Sud soulève des préoccupations majeures en matière de santé mentale. Marie-Orange Rivé affirme que “toute la société coréenne est malade de la réussite scolaire”. En effet, le taux de suicide chez les jeunes est alarmant, atteignant des niveaux parmi les plus élevés de l’OCDE. Ce fléau ne touche pas seulement les étudiants, mais également les personnes âgées, souvent négligées au profit de la jeunesse. Les conséquences de cette pression se manifestent par une augmentation des troubles de santé mentale, y compris l’anxiété et la dépression, qui deviennent des réalités quotidiennes pour de nombreux jeunes.
Les jeunes, sous une pression constante pour performer, montrent des signes de détresse psychologique. “La pression pour réussir peut mener à un sentiment d’impuissance”, explique le psychologue Han Soo-jin, qui travaille avec des adolescents en Corée. Cette lutte acharnée pour la réussite académique peut avoir des conséquences tragiques. Les familles, en investissant dans des cours privés, créent un cycle d’endettement qui alimente encore plus la pression. Ce stress financier, couplé à la pression scolaire, exacerbe le sentiment d’angoisse chez les étudiants.
Il est crucial de reconnaître que cette situation ne se limite pas à l’individu. Elle est le reflet d’une culture qui valorise la réussite académique à tout prix. Marie-Orange Rivé met en garde contre cette dynamique : “Nous devons interroger les valeurs que nous transmettons à nos enfants. La réussite ne devrait pas être synonyme de souffrance.” Dans ce contexte, les jeunes sont souvent laissés sans ressources pour gérer leur stress, ce qui les rend vulnérables à des comportements autodestructeurs.
Les parents, souvent inquiets pour l’avenir de leurs enfants, contribuent à cette pression. Ils peuvent, sans le vouloir, devenir des sources de stress supplémentaires. “Les enfants ressentent cette attente et, en conséquence, peuvent développer une peur paralysante de l’échec”, ajoute Han Soo-jin. La société coréenne, en mettant l’accent sur l’excellence académique, crée un environnement où les erreurs sont mal perçues, renforçant ainsi le sentiment de honte chez les jeunes.
Dans ce climat de compétition intense, il est essentiel d’encourager un dialogue ouvert sur la santé mentale. Les écoles et les familles doivent travailler ensemble pour créer des espaces où les jeunes peuvent exprimer leurs préoccupations et où des solutions peuvent être trouvées. Cela pourrait impliquer l’instauration de programmes de sensibilisation à la santé mentale dans les établissements scolaires, permettant aux étudiants de mieux comprendre et gérer leurs émotions. En redéfinissant ce que signifie “réussir”, la société coréenne pourrait commencer à briser le cycle destructeur de la pression scolaire, offrant ainsi aux jeunes un avenir plus sain et équilibré.
Une crise de la famille en Corée du Sud
Cette obsession pour la performance scolaire a également des répercussions sur la structure familiale. Marie-Orange Rivé explique que le taux de fécondité en Corée du Sud est le plus bas au monde, atteignant seulement 0,75 enfant par femme. Les jeunes femmes, ayant déjà vécu la pression du système éducatif, hésitent à assumer le rôle de parents-coachs pour leurs enfants. “Elles n’ont pas envie de se mettre un fardeau supplémentaire sur le dos”, précise-t-elle. De plus, cette pression ne se limite pas uniquement aux mères ; les pères se sentent également contraints à être des soutiens financiers et éducatifs, ce qui peut créer des tensions au sein du couple.
La dynamique familiale est ainsi profondément affectée. Les parents se retrouvent souvent dans une situation paradoxale où ils doivent choisir entre leur carrière et leur engagement envers l’éducation de leurs enfants. Cette situation peut entraîner un sentiment de culpabilité et de stress, augmentant les conflits familiaux. Le sociologue Kim Ji-hoon souligne que “les familles se fragmentent sous le poids des attentes, ce qui peut conduire à une communication défaillante et à un éloignement émotionnel entre les membres”.
Cette crise de la famille est exacerbée par l’absence de solutions politiques. Les responsables ne semblent pas proposer de projets de société pour rassurer les jeunes générations. En effet, le gouvernement n’a pas encore mis en place des mesures significatives pour encourager une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie familiale. Les politiques de soutien, telles que les congés parentaux étendus ou les subventions pour les garderies, restent insuffisantes.
En conséquence, la société coréenne se retrouve dans une situation presque explosive, où les jeunes adultes, découragés par le fardeau de l’éducation et des attentes sociétales, choisissent de retarder ou d’éviter d’avoir des enfants. Marie-Orange Rivé conclut en avertissant que “la Corée se suicide collectivement avec cette folie de la réussite scolaire”. Ce constat alarmant souligne la nécessité d’un changement radical dans la manière dont la société perçoit l’éducation et les valeurs qu’elle véhicule.
Les conséquences de cette crise sont multiples. Les jeunes générations se sentent souvent isolées et abandonnées, ce qui peut alimenter des problèmes de santé mentale. Les familles, au lieu d’être un refuge, deviennent des sources de stress. Pour renverser cette tendance, il est impératif que la société coréenne engage un dialogue sur la redéfinition des valeurs familiales et éducatives. Cela inclut une réflexion sur la manière de promouvoir un environnement plus équilibré, où la réussite académique n’est pas le seul objectif et où le bien-être des familles est également pris en compte.
Vers une prise de conscience collective
Face à ces enjeux, il est essentiel d’initier une réflexion collective sur le système éducatif en Corée du Sud. Les témoignages de Marie-Orange Rivé soulignent l’urgence d’une prise de conscience autour des conséquences de cette quête de réussite à tout prix. La société coréenne doit trouver un équilibre entre l’éducation et le bien-être des jeunes, afin d’éviter que la pression scolaire ne se transforme en un véritable fléau social.
Dans ce contexte, les parents, les éducateurs et les décideurs doivent travailler ensemble pour repenser le modèle éducatif. Il est crucial de valoriser le bien-être des élèves et de les aider à développer des compétences variées, au-delà des seules performances académiques. L’éducation doit être un moyen de s’épanouir, et non un fardeau qui pèse sur les épaules des jeunes générations.
Le psychologue éducatif Park Min-soo souligne que “l’éducation doit être conçue comme un processus d’apprentissage enrichissant, où les enfants peuvent explorer leurs intérêts et développer leur créativité”. Cela implique de réformer les programmes scolaires pour y inclure des activités qui favorisent le développement personnel et émotionnel des élèves. Les écoles doivent devenir des espaces de soutien où les élèves se sentent en sécurité pour exprimer leurs préoccupations et leurs aspirations.
De plus, il est vital d’impliquer les médias dans cette réflexion collective. En relayant des histoires de réussite qui ne reposent pas uniquement sur des critères académiques, les médias peuvent aider à redéfinir ce que signifie réussir en Corée du Sud. Le journaliste et auteur Lee Dong-wook déclare : “Nous devons célébrer les réussites qui viennent de la passion, de la créativité et de l’engagement communautaire, plutôt que de nous concentrer uniquement sur les résultats scolaires”.
Les institutions éducatives doivent également intégrer des programmes de sensibilisation à la santé mentale, permettant aux élèves de mieux comprendre et gérer leur stress. Ces initiatives pourraient inclure des ateliers sur la résilience émotionnelle et des séances de conseil, offrant aux élèves des outils pour faire face à la pression.
Enfin, les décideurs politiques doivent créer des politiques qui soutiennent les familles et favorisent un équilibre entre travail et vie personnelle. Cela pourrait inclure des incitations pour les entreprises qui mettent en place des horaires flexibles ou qui offrent des congés parentaux adaptés. En créant un environnement où les parents peuvent participer activement à l’éducation de leurs enfants sans sacrifier leur carrière, la société coréenne peut commencer à reconstruire des familles plus solides et plus unies.
En somme, cette prise de conscience collective est cruciale pour transformer le paysage éducatif en Corée du Sud. En mettant l’accent sur l’épanouissement individuel et le bien-être des jeunes, la société peut espérer diminuer la pression scolaire et permettre à chaque enfant de réaliser son plein potentiel.